mardi 6 octobre 2015

"L'eau et l'assainissement sont un droit humain! L'eau est un bien public, pas une marchandise!"




Ce titre représente bien les objectifs d’une Initiative Citoyenne Européenne (ICE), pétition qui a été la première à remplir tous les critères imposés par le traité de Lisbonne1 .  Cet article en rappelle l’histoire, histoire qui continue de s’écrire en cet automne 2015.




La pétition elle-même est rappelée ci-dessous

Objet


Nous invitons la Commission européenne à proposer une législation qui fasse du droit à l'eau et à l'assainissement un droit humain au sens que lui donnent les Nations unies, et à promouvoir la fourniture d'eau et l'assainissement en tant que services publics essentiels pour tous.




Principaux objectifs:



 Le droit européen devrait exiger des gouvernements qu'ils garantissent et fournissent à tous les citoyens l’assainissement et de l’eau saine et potable en suffisance. Nous demandons instamment que :

1. Les institutions européennes et les États membres soient tenus de faire en sorte que tous les habitants jouissent du droit à l'eau et à l'assainissement.

2. L'approvisionnement en eau et la gestion des ressources hydriques ne soient pas soumis aux "règles du marché intérieur" et que les services des eaux soient exclus de la libéralisation. 
3. L'Union européenne intensifie ses efforts pour réaliser l'accès universel à l'eau et à l'assainissement.


Avec 1.9 millions de signatures, l’ICE « L’eau un droit humain »  (ou Right2Water) fut  la première pétition à contraindre la Commission Européenne (CE) à donner une réponse, même décevante,  aux attentes des  signataires. Le Parlement Européen, en votant le 8 septembre 2015 une résolution beaucoup plus conforme aux exigences citoyennes, donne un  nouvel élan à une bataille qui se poursuit pour un service public de l’eau aux mains des citoyens et non des marchés. 
Voici un petit résumé de cette longue histoire de l’ICE « eau droit humain »  dont on peut suivre les détails sur le site web http://www.right2water.eu



Les origines

Mars 2012 : David Boys (Fédération Internationale des Services Publics) dénonce « le mythe de la contribution des opérateurs privés dans l’accès à l’eau » au Forum Mondial de l’eau à Marseille. Il annonce le lancement d’une pétition visant à obliger la Commission Européenne à prendre position sur les principes. 2 



La campagne de signatures 2012-2013 

La Fédération Syndicale Européenne des Services Publics (FSESP), qui regroupe 275 organisations syndicales dans tous les services publics européens, lance cette ICE  avec l’objectif de dépasser en un an, du 23 septembre 2012 au 23 septembre 2013,  le  million de signatures requis par le traité de Lisbonne pour que ce vote citoyen soit contraignant pour la CE. De nombreuses organisations (syndicats, partis,  associations) soutiennent cette ICE qui connait un grand succès dans plusieurs pays européens comme l’Allemagne (1.382.195), l’Italie (68.370) ou encore la Grèce (36.144),  moins bien en France (23.231). 
L’initiative citoyenne reçoit à la date prévue 1.884.790 signatures soit nettement plus que le minimum requis.



Mars 2014 : communication de la Commission Européenne en 2014

La CE, saisie de cette ICE réussie  le 20 décembre 2013, y a répondu le 19 mars 2014 en renvoyant à une ancienne directive (98/83/CE) sur l’eau potable sans vraiment faire des avancées dans le sens réclamé par les signataires de cette ICE3.
Un extrait de cette réponse (p11) témoigne de la façon dont la Commission « botte en touche » une des exigences centrales de RIGHT2WATER:
 La Commission continuera de garantir le plein respect des règles du traité exigeant la neutralité de l'UE à l’égard de décisions nationales régissant le régime de propriété des entreprises de distribution d’eau29 , tout en veillant au respect des principes essentiels du traité, comme la transparence et l’égalité de traitement. En ce qui concerne les préoccupations exprimées par l’initiative citoyenne, à savoir que l’approvisionnement en eau et la gestion des ressources hydriques ne devraient pas être soumis aux «règles du marché intérieur» et que «les services des eaux devraient être exclus de la libéralisation», la Commission confirme que la nouvelle législation sur les marchés publics ne s’appliquera pas aux services fournis par les autorités locales elles-mêmes, par l’intermédiaire d’une entreprise commune ou d’une entreprise liée30.

 

Une tout autre prise en considération par le Parlement Européen.

Après études en commissions le Parlement Européen a voté le 8 septembre 2015  une résolution à l’adresse du Conseil et de la Commission Européenne qui soutient de façon précise les objectifs  de l’Initiative Citoyenne  Right2Water 4 .
Les alinéas 45 à 47,  extraits qui sont reproduits  ci-dessous, sont éclairants et sont autant de  points d’appuis pour les batailles à venir au niveau européen et au niveau local.

45. souligne que, conformément au principe de subsidiarité, la Commission devrait rester neutre concernant les décisions des États membres relatives au régime de propriété des services liés à l'eau et ne devrait pas promouvoir la privatisation des services liés à l'eau, que ce soit par la législation ou de toute autre manière;
  

46. rappelle que la faculté de remunicipaliser les services liés à l'eau devrait rester garantie sans restriction à l'avenir et que ces services peuvent être maintenus sous gestion locale si les autorités publiques compétentes en font le choix; 

rappelle que l'eau est un droit humain fondamental qui doit être accessible et abordable pour tous; souligne que les États membres ont le devoir de garantir l'accès de tous à l'eau, quel que soit l'opérateur, tout en veillant à ce que les opérateurs fournissent une eau potable sûre et un assainissement amélioré;


47. souligne que, du fait du caractère particulier des services liés à l'eau et à l'assainissement, tels que la production, la distribution et le traitement, il est impératif de les exclure de tout accord commercial que l'UE négocie ou envisage; 

demande instamment à la Commission de reconnaître une exclusion juridiquement contraignante des services liés à l'eau, à l'assainissement et à l'évacuation des eaux usées dans les négociations en cours concernant le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement et l'accord sur le commerce des services; 

souligne que tous les accords commerciaux et d'investissement à venir devraient comprendre des clauses concernant un accès réel à l'eau potable de la population du pays tiers concerné par l'accord, conformément à l'engagement pris de longue date par l'Union en faveur du développement durable et des droits de l'homme, et qu'un accès réel à l'eau potable de la population du pays tiers concerné par l'accord doit être une condition préalable de tout accord futur de libre-échange;



Pour Claude TURMES, eurodéputé luxembourgeois du Groupe des Verts/ALE: « C’est une douche froide pour les eurodéputés de centre-droit, en particulier à l’UMP ou chez les libéraux qui sont à la botte de Veolia et Suez! Le Parlement européen a aujourd’hui relayé la voix des Européens qui demandent de protéger et de garantir l’accès à l’eau et à l’assainissement en tant que droits fondamentaux reconnus par les Nations Unies.

Suite aux amendements votés en Commission ENVI, le rapport demande d’inscrire dans la législation le droit fondamental à l’eau (tel que défini par l’ONU) et de définitivement exclure les services dans ce secteur des règles du marché intérieur ainsi que de toutes les négociations commerciales en cours (TTIP, AECG et TISA). Un droit fondamental et un service d’intérêt général qui, rappelons-le, ont été remis en question cet été en Grèce avec l’intégration de ce service à la liste des domaines destinés à la privatisation dans le cadre du programme de sauvetage ».



Et maintenant



Ce vote du Parlement européen, salué par le mouvement européen pour l’eau 5  n’est pas, loin de là, la fin d’une bataille citoyenne sur les objectifs de l’ICE.   


Les lobbies de l’eau ont une présence très forte à Bruxelles, comme le démontre Marc Laimé dans son livre très documenté « LE LOBBY DE L’EAU » 6.  La mobilisation en cours contre  les traités de « libre échange » TAFTA et autres est un élément important dans cette bataille. En témoigne le procès, gagné en 2015, par SUEZ contre le retour de l’eau en régie publique en Argentine, procès dénoncé par exemple par Olivier Petitjean7 :  


« Un tribunal arbitral international vient de condamner l’Argentine à verser près de 400 millions d’euros à Suez environnement, pour avoir renationalisé le service de l’eau de Buenos Aires en 2006, après des années de conflits. La firme française a eu recours aux mêmes mécanismes de « résolution des disputes entre États et investisseurs », ou ISDS, qui sont aujourd’hui au centre de la contestation du projet d’accord commercial entre Europe et États-Unis. Une décision qui illustre combien, dans leur fonctionnement actuel, les procédures ISDS ne tiennent véritablement compte ni des droits humains ni de la responsabilité des États vis-à-vis de leurs citoyens, en faisant primer la loi d’airain de la protection des investissements. »







L’EAU  BIEN  COMMUN  HORS  MARCHANDISATION  reste donc l’enjeu d’une bataille  citoyenne qui se mène à tous les niveaux. C’est le cas au niveau de l’Agglomération Orléans-Val de Loire (l’AgglO) .  Le passage à une communauté urbaine, annoncé comme proche,  s’accompagnerait d’un transfert de la compétence EAU à cette  structure. L’assainissement  est déjà en gestion centralisée AgglO : c’est un des plus chers de France et les usagers n’ont aucun droit au chapitre dans les organismes de gestion ! 


Défendre, et étendre,  la régie publique pour la gestion de l’eau potable , de sa ressource au robinet, est une bataille que les citoyen-nes du bassin orléanais doivent mener et gagner pour garantir l’avenir de ce bien commun.


Références
2 : (Le Monde 15 Mars 2012)
6 : Marc Laimé , « LE LOBBY DE L’EAU » , ed 2014, 404 p







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